Un dialogue édifiant

Le vrai crime de Socrate

Poursuivi pour corruption de la jeunesse par Mélètos qui l’accuse de ne pas croire aux anciennes divinités de la Cité et d’en fabriquer de nouvelles, Socrate rencontre, au tribunal, un certain Euthyphron, un jeune devin qui vient accuser son père d’homicide.

Le philosophe est tout heureux de pouvoir parler à cet expert en piété, espérant trouver, avec ce prêtre, des arguments pour se défendre de l’accusation d’impiété qui pèse contre lui et qui risque de lui coûter la vie !

Toutefois il s’étonne d’une telle démarche d’un fils à l’égard de son père : il est, en effet, impie, lui semble-t-il, de la part d’un fils de poursuivre pour meurtre son propre père, et il demande alors à Euthyphron de se mettre d’accord avec lui sur une définition de la piété avant toute accusation.

Première réponse du devin : est pieuse l’action menée en justice contre un père criminel. La piété consiste simplement, pour lui, à poursuivre et à punir le coupable, car il est contradictoire de ne pas condamner Zeus lui-même alors qu’il a enchaîné son propre père et de le condamner, lui, le devin, parce qu’il dénonce le sien !

En quoi ce père est-il criminel , se demande Socrate, en écoutant la version d’Euthyphron…

« Un journalier, en état d’ivresse, a égorgé un domestique dans la propriété paternelle et le maître des lieux, mon père, a donc ligoté le meurtrier, le jetant dans un cul de basse fosse et a envoyé un serviteur auprès des autorités pour savoir ce qu’il devait faire du prisonnier.

Entre temps, le froid , la faim et le ligotage ont eu raison du journalier qui est mort avant le retour de l’envoyé. »

Dire qu’intenter à son père un procès pour meurtre – homicide involontaire !- est un acte pieux ne dit rien sur ce qu’est la piété en elle-même, beaucoup d’autres choses, en effet, peuvent être déclarées pieuses mais aussi longtemps qu’on ignore la propriété essentielle de la piété, on est toujours dans la même impasse sur la nature de la piété et donc de l’impiété.

Deuxième réponse d’Euthyphron : est pieux ce qui plaît aux dieux ; est impie , ce qui leur déplaît.

Problème !

Les dieux étant souvent en conflit entre eux, sur des sujets comme le juste ou l’injuste, ils auront nécessairement des opinions différentes si le critère du juste repose sur la seule préférence subjective, cela impliquant, en effet, que certaines choses sont aimées de tel dieu et détestées par tel autre!

En conséquence, certaines choses seraient à la fois pieuses et impies, – ce qui est contradictoire-, et surtout le châtiment qu’Euthyphron veut infliger à son père pourrait très bien plaire à certains dieux et déplaire à d’autres !

Comment soutenir, en effet, que c’est par piété qu’on défère son père devant la justice !

Se pose alors, plus redoutable encore, le dilemme suivant : une action est elle pieuse parce que les dieux l’approuvent ou est-ce en raison de son caractère pieux que les dieux l’approuvent ?

Soit les bonnes actions sont pieuses uniquement parce que les dieux les aiment et alors la droiture morale est totalement arbitraire car elle ne dépend que du caprice des dieux.

Soit les bonnes actions sont bonnes en elles-mêmes et c’est pour cette raison qu’elles plaisent aux dieux mais on est alors renvoyé à la définition de ce qu’est, par nature, une action pieuse !

Troisième réponse d’Euthyphron devant cette objection de Socrate : la piété est l’ensemble des soins que l’homme doit aux dieux.

Etrange proposition pour le philosophe qui fait remarquer au devin que le soin, bénéficiant uniquement à celui qui le reçoit, on se demande comment la piété pourrait profiter aux dieux qui ne peuvent en aucun cas être améliorés puisqu’ils sont parfaits par définition !

La piété , définie comme soins, apparaît alors comme un trafic, une technique commerciale du donnant-donnant, visant à régler les échanges entre les dieux et les hommes : je t’offre des sacrifices et je te fais des prières et en échange tu m’offres ta protection !

Euthyphron est choqué devant une telle critique car, pour lui, ces dons ne représentent que des marques de respect envers les dieux, revenant, du coup , à son point de départ : ce qui est pieux est ce qui plaît aux dieux…

Grosse déception pour Socrate qui, confronté à l’accusation d’impiété qui peut le conduire à la mort, constate que même un devin, spécialiste, en théorie, de la piété, est tout à fait, incapable de la définir !

«-  Parle donc, excellent Euthyphron ! Ne me cache pas ce qu’ est en soi même le Pieux !

« – Eh bien ce sera pour une autre fois. A présent, en effet, j’ai à faire quelque part, et voici , pour moi, l’heure de m’en aller. »

Peut-être en a-t-il assez de ce passage à la question, le devin, et ne désire-t-il plus qu’une seule chose: oublier au plus vite Socrate et retrouver le sommeil dogmatique de son pieux dont il est bien incapable de démonter les ressorts.

Où l’on voit que, même en contact avec un devin, il faut mettre un soin religieux à tenter de définir ce qu’il en est de la piété …

A la trace

adultère Archives - Secrets de polichinelle - Secrets de polichinelle

Plus besoin de détectives privés pour pister les partisans de l’adultère : avec les applications de géolocalisation pour cartographier la propagation du virus entre individus, il va devenir difficile d’échapper au fidèle Corona !

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Trois miracles

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Faut-il avoir des écailles dans les yeux pour ne pas s’apercevoir qu’ avec Corona, les temps messianiques sont enfin arrivés, cette ère de paix et de bonheur éternel, que le Peuple Elu attend depuis des siècles!

Inutile de continuer à se balancer contre le Mur des Lamentations : chômage de masse, faillites, récession économique, famine, déplacements en masse des populations, dévastation des terres cultivables, bouleversements climatiques, incendies, déforestations, inondations, tornades en tout genre, voici enfin le lait et le miel qui coulent en abondance dans la vallée du Jourdain !

Faut-il être aveugle pour ne pas se rendre compte qu’avec Covid19, c’est la Parousie qui arrive , cette seconde manifestation du Christ, venant, pour les chrétiens, instaurer le Royaume de Dieu sur terre ! Le signe le plus clair en est ce tabou du toucher que la distanciation sociale installe entre les êtres humains, signifiant ainsi la mutation radicale du statut du corps, le corps de chair devenant, à l’instar de celui du Christ ressuscité, un corps glorieux !

Quand Marie de Magdala, se tenant tout en sanglots près du tombeau vide, voit apparaître soudain son Seigneur ressuscité, elle se précipite alors vers lui, tendant les mains pour le saisir…

Elle entend alors la voix de son maître lui dire : « Ne me touche pas » !, lui signifiant de la sorte que son corps, s’il garde une apparence humaine, à pris avec la résurrection une autre dimension : celle d’un corps de gloire.

St Thomas , le docteur angélique, s’empressera, au Moyen- Age, de définir les contours  du corps glorieux: impassibilité, le corps ne peut plus souffrir; clarté, l’âme apparaît dans toute la luminosité de sa pureté ; agilité, ignorant l’espace et le temps, le corps peut se déplacer à la vitesse de la pensée ; subtilité, il peut passer à travers tous les obstacles sans éprouver la moindre résistance de la matière.

Qui n’échangerait pas son corps de chair contre un corps de gloire, sachant qu’il pourra, comme son Dieu ressuscité, sortir du tombeau à travers la pierre scellée et entrer « toute portes closes » dans le Cénacle où sont enfermés les apôtres terrorisés !

Fin du confinement: avec un corps glorieux, on peut enter et sortir sans dérogation et se toucher, en toute clarté, avec agilité et subtilité…

Faut-il avoir la tête bien enfoncée dans le tapis pour ne pas voir qu’ avec le virus venu de Chine, la Guerre Sainte est terminée, que la victoire est totale pour l’Islam : Juifs , Chrétiens et mécréants sont désormais terrassés dans le monde entier, signe que la Révélation coranique est bien la révélation finale qui parachève et complète les révélations précédentes. Sa vocation d’universalité trouve son accomplissement avec l’étendue de sa contagion.

Le poumon pour le virus, la sous rate pour les méninges.

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De lune à l’Autre

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Double peine pour les musulmans qui, avec le ramadan, se voient ajouter le jeûne au confinement.

Où l’on voit que, chez l’homme, le masochisme moral est sans limite alors que les autres espèces animales, faisant foin du virus religieux qui les ignore, ne demandent pas à la lune de régler leur jouissance nocturne.

Fichtre

Peut-on soigner le Solipsisme? (de la philosophie à la ...

La forme la plus radicale du confinement, le mode le plus sévère du retrait , c’est encore le solipsisme, thèse selon laquelle, rien n’existe indubitablement que moi et mes représentations, tout le reste étant, au mieux, douteux

Pourquoi une telle idée ? Parce que nous sommes incapables de sortir de nous mêmes pour constater, de l’extérieur, que ce que nous percevons existe bien en dehors des représentations que nous en avons.

Toute sortie hors de la représentation de la réalité que nous avons est impossible alors qu’elle serait nécessaire pour juger de son adéquation à ce qui est représenté.

Je vois un arbre : il m’est impossible de sortir de mon champ de perception pour confirmer que c’est bien un arbre que je vois…

Accrochez vous aux branches ..

Amusant de penser à la remarque triviale du pseudo- sceptique qui affirme doctement qu’il ne croit que ce qu’il voit alors qu’il est sans cesse dans la croyance indéfectible de la certitude de ses représentations…

Rien ne m’assure, disait Berkeley que l’arbre existe bien, lorsque je ne le perçois pas…

Etre, c’est être perçu ou percevoir.

Comment savoir si nos idées correspondent aux objets perçus – et même s’il y en a- dès lors que ne sommes jamais en présence des objets mais toujours, et seulement, en contact avec les idées que nous nous en faisons ?

Solipsisme: Solus, seul / ipse, moi-même : seul moi-même, je suis le monde de mes représentations .

Confiné absolument dans le monde clos de ma conscience.

C’est Descartes, notre bretteur national, qui est l’initiateur le plus illustre du solipsisme.

Pour lui, en effet, dans tous les cas, j’existe assurément si je pense être ou si je pense, à tort, ne pas être.

C’est le fameux,  «  je pense donc je suis », vérité au prix très élevé car je perds ainsi toute relation avec le monde extérieur, étant emmuré dans les limites de ma propre perception, bulle impossible à crever pour savoir si ce que je perçois est réel ou non.

Selon Descartes, en effet, je peux douter de tout mais pas de ma propre existence. En effet, soit je ne suis pas trompé par mes perceptions et j’existe donc bien ainsi que le monde que je perçois hors de moi. Soit, quelque chose ou quelqu’un me trompe- un Malin Génie- qui me fait croire que j’existe en me faisant prendre pour vrai ce qui n’est qu’illusion !

Matrix sous Louis XIV…

Mais pour que quelqu’un me trompe, encore faut-il que, déjà, j’existe ! On voit mal, sinon, qui ce Malin Génie tromperait !

Dans tous les cas de figures, donc, j’existe assurément dans le cercle hermétique de ma conscience, chaque fois que je pense.

Cependant pour être absolument certain que j’existe et que je ne suis pas victime d’une illusion, en raison d’une manipulation perverse d’un Malin Génie, toujours possible, Descartes est obligé de faire appel à une extériorité, la plus grande , celle de Dieu, qui seul, en raison de sa toute puissance et de sa bonté, ne peut vouloir que sa créature se trompe toujours inévitablement.

Conçu comme principe de perfection absolue, Dieu constitue nécessairement le fondement de mon existence et la garantie de la consistance et de la constance de ce que je tiens pour vrai chaque fois que je le pense.

L’existence de Dieu m’assure alors que mon existence n’est pas un rêve, une illusion ou l’effet d’une tromperie, mais bien réelle…

Le problème , c’est que cette existence divine est- elle même pensée comme certaine à partir d’une conscience humaine enfermée dans le cercle très réduit et incertain de ses propres représentations…

Alors comment est-il possible de sortir du solipsisme ?

Sans doute en ayant de bonnes raisons de n’y jamais entrer !

Ex-ister, c’est être hors-de-soi dans un monde qui précède phénoménologiquement toute intériorité.

Exister vient du latin « ex-sistere »: se tenir debout, sortir de , provenir. Une chose a une consistance à partir d’autre chose que soi. Alors, le monde est premier et la conscience, le dedans, n’advient qu’au terme d’un retrait de ce monde.

Husserl le dira plus tard : la conscience est toujours conscience de quelque chose… jamais seule dans le miroir de sa suffisance narcissique.

Narcisse a besoin de l’étang ( ou l’étant) pour se voir.

L’intériorité ne peut donc apparaître – le cogito ergo sum – que lorsque le sujet pensant délaisse le monde qui le devance et se retire des choses.

C’est d’abord l’être-au-monde qui précède et rend possible la présence à soi comme intériorité . En conséquence , si mon activité pensante est la preuve absolue de mon existence , cette évidence n’en est pas moins dérivée des choses qui , elles, sont premières.

On ne saurait douter de ce qui précède et rend seul possible l’indubitable : je pense, je suis.

La suppression de rapport à l’autre est ipso facto la privation du rapport à soi.

Dire de soi qu’on est seul au monde , c’est déjà annuler la vérité qu’on prétend soutenir : être seul au monde présuppose le monde dont on oublie la sourde, massive, et perpétuelle présence.

Poisson-globe

Cette rosace de sable a été sculptée par un poisson-ballon - L'Express

Au sud du Japon,près de la grande île d’Amami, on peut observer, au fond de l’eau, d’étranges figures géométriques circulaires, de 2 m de diamètre, sculptées dans le sable, avec de multiples crêtes rayonnant à partir du centre.

C’est un petit poisson mâle de 12 cms de long, le poisson-globe, qui, en 7 jours, crée cette œuvre sous-marine, en battant sans cesse des nageoires pour déplacer le sable et disposer de petits coquillages à l’intérieur de sa construction savante.

Cette création fait partie, en fait, de la parade amoureuse du mâle, servant à attirer une partenaire potentielle qui utilisera les crêtes du cercle pour trouver son chemin à travers le fond obscur de l’océan et fondre ainsi dans les bras du poisson-globe.

Mandala éphémère sur le sable, mandala dont Jung indique que la structure représente le Soi, l’archétype de la psyché, sorte de tache de Rorschach, mais cette fois très élaborée, qui permet au sujet humain, en dessinant ou coloriant ces formes géométriques circulaires, d’y projeter ses émotions, de représenter ses états intérieurs.

Petit poisson-globe que l’amour transforme en artiste aux écailles,

Qui a reçu mandat, là, sous les eaux, d’inscrire l’étrange beauté du monde dans le cercle de ses émois de paternité fluide.

Couleurs

La Peste Noire? La faute aux juifs bien-sûr! | Azal AMER-MOUSSA

Pendant la Peste Noire, de 1347 à 1353, plus de 300 Juifs sont jetés dans les flammes dans la péninsule ibérique ; et, en avril 1348, 40 ont été brûlés, en une seule nuit , à Toulon.

En septembre de la même année, c’est 900 Juifs qu’on passera au bûcher, à Strasbourg, alors que la peste ne s’est pas encore manifestée.

Désigner un bouc émissaire, nommer un coupable, permet de ramener l’inexplicable à un processus compréhensible.

Les contaminés de la Peste Brune, au XX°siècle, ne seront pas en reste qui enflammeront le ciel des brasiers de l’Holocauste.